Le jugement :
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Le commentaire de Maître François Lesaffre, avocat de Thomas de Lussac et consultant pour l’AFD :
« Je dois vous faire part d’une très mauvaise nouvelle […] concernant le lit « Invitation’s » qu’il a créé [Thomas de Lussac].
Sans tenir compte de nos arguments, la cour d’appel confirme la décision de première instance, que nous critiquions, en toutes ses dispositions et, de manière totalement inique, condamne le designer à payer la somme de 8 000 € à l’adversaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais qu’il a exposés, le magistrat rédacteur de l’arrêt prenant soin de préciser que cette somme s’ajoute à celle de 4 000 € à laquelle il a été condamné en première instance, alors qu’elle atteint un niveau exceptionnel, de l’ordre de deux fois ce qui est habituellement accordé (arrêt ci-joint).
La cour d’appel reprend à son compte le jugement de première instance :
• elle confirme que le designer est bien l’auteur de lit "invitation’s" qui a été divulgué sous son nom,
• elle confirme que son lit ne serait pas original, son raisonnement étant le suivant :
Sans tenir compte de nos arguments, la cour d’appel confirme la décision de première instance, que nous critiquions, en toutes ses dispositions et, de manière totalement inique, condamne le designer à payer la somme de 8 000 € à l’adversaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais qu’il a exposés, le magistrat rédacteur de l’arrêt prenant soin de préciser que cette somme s’ajoute à celle de 4 000 € à laquelle il a été condamné en première instance, alors qu’elle atteint un niveau exceptionnel, de l’ordre de deux fois ce qui est habituellement accordé (arrêt ci-joint).
La cour d’appel reprend à son compte le jugement de première instance :
• elle confirme que le designer est bien l’auteur de lit "invitation’s" qui a été divulgué sous son nom,
• elle confirme que son lit ne serait pas original, son raisonnement étant le suivant :
— l’œuvre doit exprimer la personnalité de son auteur au travers de choix qui lui sont propres,
— la forme en double vague donnée à un meuble est employée en décoration depuis 1928 (ci-annexée chaise Le Corbusier) et en ce qui concerne les lits depuis 1989,
— le fait de donner au lit « Invitation’s » une forme de vague par deux courbures serait, par suite, banal et dépourvu d’originalité.
— la forme en double vague donnée à un meuble est employée en décoration depuis 1928 (ci-annexée chaise Le Corbusier) et en ce qui concerne les lits depuis 1989,
— le fait de donner au lit « Invitation’s » une forme de vague par deux courbures serait, par suite, banal et dépourvu d’originalité.
Il m’apparaît pourtant qu’en donnant à son lit « en forme de vague » une forme singulière parmi d’autres, le designer exerçait bien des choix artistiques qui lui étaient propres de telle sorte qu’il a marqué l’œuvre de sa personnalité et qu’elle est ainsi originale. Nous avons, en vain, souligné que nous ne revendiquions pas un style mais la forme singulière du lit « Invitation’s ». […]
Mais surtout, cet arrêt tend à signifier que toute œuvre dont la forme peut être dite en « double vague », autrement dit toute œuvre constituée de deux courbures ne serait pas originale, ce qui est absurde, une très grande quantité d’œuvres pouvant à mon sens répondre à cette définition. (Imaginons aussi ce qui pourrait être dit à propos des automobiles toutes constituées d’une ligne droite et d’une courbe.)
De plus, il apparaît contradictoire de faire bénéficier le designer des dispositions de l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle disposant que la qualité d’auteur appartient à celui sous le nom de qui l’œuvre est divulguée pour en arriver à dire qu’il ne s’agit pas d’une œuvre de l’esprit.
Cet arrêt très surprenant et mal fondé devrait dans les jours qui viennent être signifié au designer par huissier, ce qui fera courir le délai de pourvoi en cassation de deux mois.
Il convient de s’interroger sur un éventuel pourvoi en cassation, cette décision apparaissant très peu respectueuse du droit d’auteur. Il est à noter, cependant, que l’originalité est en principe souverainement appréciée par les juges du fond, la Cour de Cassation ne remettant pas en cause leur interprétation de la notion d’originalité (selon Carine Bernault Maître de conférences à la Fac de Nantes in Jurisclasseur « Propriété littéraire et artistique » Fasc. 1135 § 71). Cependant, le cas échéant, d’autres éléments, comme la contradiction que je soulignais ci-dessus, pourraient permettre d’obtenir la cassation de la décision. […]
Il me semble qu’il n’est pas possible d’accepter ce genre de décision heureusement tout à fait exceptionnelle. Je vois que, pareillement, la même chambre de la cour d’appel de Paris (Pole 5 chambre 2 sous la signature du même Président) a récemment dit que les photographies d’un auteur n’étaient pas originales pour des raisons tout à fait similaires : http://blog.droit-et-photographie.com/originalite-brume-epaisse-sur-la-champagne-ardenne. »
Voici un cas typique où les enjeux dépassent les intérêts personnels d’un designer, le jugement pouvant avoir une inscidence dramatique sur la reconnaissance des auteurs d’œuvres originales de design. L’AFD a besoin de votre soutien, votre adhésion ou votre don sont important pour nous permettre d’effectuer notre mission.
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Commentaires
Agnès TRICOIRE Avocat,
le 10 sept
2012 à 12h54
Ce type de décision n’est malheureusement pas du tout exceptionnel car nous assistons depuis 18 mois à un très grand durcissement des conditions d’admission des oeuvres dans le droit d’auteur, que cela concerne ce que les juristes appellent l’art appliqué ou la photographie, souvent rangée dans la même catégorie. Un pourvoi devant la cour de cassation, s’il est en effet souhaitable, ne résoudra pas la question générale de cette nouvelle politique judiciaire qui modifie la donne du contentieux et de la protection des designers. C’est donc une réponse politique qu’il faut à mon avis obtenir et c’est le rôle de l’AFD que de la rechercher.
,
le 11 sept
2012 à 11h45
@Agnès TRICOIRE Avocat
« C’est donc une réponse politique qu’il faut à mon avis obtenir et c’est le rôle de l’AFD que de la rechercher. »
Bonjour Agnès Tricoire,
c’est juste, c’est ce que nous nous employons à faire en proposant de rencontrer nos nouveaux ministres (lire+ "L’AFD écrit au Premier ministre et aux ministres concernés par l’avenir des professions du design"), tout comme nous l’avons fait lors du précédent gouvernement, et en étant membre du conseil d’administration de l’Agence pour la promotion de la création industrielle (APCI). Souhaitant que nous trouverons une attention sensibilisée à l’utilité de défendre une politique de design et les auteurs.
F.grasdepot,
le 12 sept
2012 à 13h14
La lecture de l’arrêt peut mettre en évidence le point suivant:
– page 6: les appelants revendiquent "des courbes inférieures et supérieures non parallèles entre elles différentes donnant une épaisseur variable à la structure dessinée (…) ne répondant à aucune nécessité technique".
Il ne semble pas que l’arrêt ait pris en considération cette caractéristique essentielle de l’aspect du lit, revendiqué par les appelants, qui résulte en une double-vague "pointue" au pied et au sommet du lit et est mnifestement opérant et bien-fondé.
Le défaut de réponse à conclusions étant a priori un motif de Cassation, cette observation peut a priori faire encourir la Cassation à cet arrêt.
Quant à la forme en double vague, elle souffre de l’observation ci-dessus et s’apparente sans doute à un genre non-protégé par le droit d’auteur. Chaque interprétation de cette forme restant accessible au droit d’auteur.
Une argumentation sur cette base serait sans doute inopérante en droit d’auteur et en tous cas inopérante devant la Cour de Cassation, juge du droit.
J’espère que ces observations pourraient être utiles à la défense de la création de Mr Thomas de Lussac, auquel
je souhaite bonne chance.
F.Grasdepot
Georges Koussouros,
le 12 sept
2012 à 13h18
Très intéressant comme cas en terme de paradoxe.
Je suis d’accord sur le manque d’originalité de cette uvre.
Il en est tout autant des voiture, des tondeuses, des aspirateurs qui ont tous la forme d’un oeuf et qui ressemblent aux pompes, des laves linge qui ressemblent aux laves vaisselle
Mais nous pourrions poser la question de savoir pourquoi copie t-on des choses non originales.
Vraiment ce cas montre à quel niveau de misère nous sommes.
D’autre part, pourquoi monter en épingle un tel cas qui n’est nullement du design quand tout le monde s’efforce d’expliquer que le design n’est pas du styling et que cela va plus loin que ça.
Poside,
le 17 sept
2012 à 12h46
Le souci, c’est que malheureusement, même si on gagne ce cas, on interdit la vente sur le territoire français de la copie et peut-être en Europe. Mais très peu de pays dans le monde respectent le droit d’auteur. Donc cette société va en écouler plein dans d’autres pays du monde. Malheureusement, nous ne jouons pas avec les mêmes règles. Donc, au final, je me demande si le mieux ne serait pas de ne pas perdre plus d’énergie qu’il ne faut, faire respecter nos droits. Accepter le fait qu’un design peut évoluer dans le temps et être "re-designé" sous forme de nouvelle oeuvre originale. On m’a toujours dit en marketing et dans la création d’entreprise, le mieux est le secret, la montée en puissance et la force de frappe massive. Mieux vaut pouvoir inonder le marché rapidement et profiter de la nouveauté. Voyez Zara qui en 15 jours est capable d’inonder le marché avec une toute nouvelle chaussure conçue et produite à large échelle en 15 jours. Il nous faut une entreprise du meuble en Europe qui se redynamise et soit capable de mettre un mobilier sur le marché en un temps record et en quantité conséquente à un prix raisonnable. Mais cela devient difficile car nous devons beaucoup palabrer pour sortir quelque chose en France tandis que des entreprises en Suède se sont entendues derrière une marque chapeau comme IKEA… j’ai pu le constater encore récemment, la différence de mentalité entre la France et l’Allemagne. tandis qu’en France, on parle encore, en Allemagne on a déjà commencé à agir et on a perdu le projet. Nous devrions moins parler et plus s’organiser pour produire et vendre… Et peut-être aussi mettre des éco-taxes sur les produits qui viennent de loin et dépensent une énergie folle et polluante à nous arriver. Un avis?
,
le 28 sept
2012 à 20h06
@Poside
Vaste sujet en effet. Mais au moins, si nous gagnons cette affaire, on fera respecter le droit d’auteur et on évitera que le designer plagié ne doivent payer un dédommagement de 12000 € à la partie adverse, alors qu’il n’a fait que défendre sa création originale.
,
le 28 sept
2012 à 20h18
@Georges Koussouros
C’est votre droit de penser que cette œuvre manque d’originalité. Cependant, on ne peut pas accorder à quelqu’un la qualité d’auteur et décréter que son œuvre n’est pas originale, comme c’est le cas dans ce jugement.
S’il est maintenu, vous, comme tout auteur, pourrez difficilement expliquer que votre œuvre est originale et donc vous pourrez difficilement à la protéger. Cette affaire va au-delà du goût de chacun : elle attaque directement la notion d’auteur et la protection qui va avec, donc les moyens pour les designers de gagner leur vie en étant récompensés du fruit de leur travail lorsqu’il fait vendre.
Les éditeurs auront aussi des difficultés à protéger leur commerce, car ils perdront eux aussi le bénéfice de la protection des auteurs contre la contrefaçon.
stephsea,
le 19 oct
2012 à 16h04
Je suis étonné que l’on puisse renier à ce meuble son originalité, que ce soit dans les commentaires ci-dessus ou dans le jugement. Il n’y aucun doute sur le fait que le lit est original et a été copié! Nous marchons sur la tête…
Les juges devraient être redevables et responsables de leurs décisions. Ce dernier est tellement ridicule que cela frise la malhonnêteté. Est il corrompu? Et si non, comment peut il être d’une telle mauvaise foi, ou d’une telle bêtise? Et pourquoi n’est il pas personnellement inquiété quand il rend un jugement tout simplement faux et contradictoire comme chacun peut le voir ici de sa petite fenêtre de citoyen.
Et en plus il souhaite visiblement punir sévèrement le plaignant. C’est un comble.
La confiance… Notre justice n’a t’elle pas besoin de notre confiance? Comment ne pas renier toute validité à cette institution quand on voit de telles inepties?
La cassation (ou un jury populaire…) devrait avoir ce pouvoir de punir les juges quand ils sont à ce point malhonnêtes.
Koussouros,
le 23 déc
2012 à 19h00
vaste mélange entre artiste designer et styliste
sommes nous vraiment dans un site sur le design ?
d’autre part vous semblez oublier que le notion de propriété industrielle n’existe pas en Asie
qu’au contraire, vous devriez être honoré d’avoir été copié la bas
or le designer est entre autre un intégrateur de culture
pour ces raisons comme bien d’autres je me demande vraiment si on est sur un site sur le design
Delfe,
le 30 déc
2012 à 00h57
Du nouveau dans cette affaire ?
,
le 07 janv
2013 à 11h45
@Koussouros
Vous êtes bien sur le site d’un syndicat de designers professionnels, dont il semblerait que vous ne maîtrisiez pas tout à fait la déontologie ni les lois internationales de propriété intellectuelle et industrielle, qui existent bien, y compris en Chine, pour permettre aux designers, aux éditeurs et aux industriels de tous pays de gagner leur vie ensemble tout en se respectant 😉
,
le 07 janv
2013 à 11h48
@Thibault Berenguier
L’affaire est en cours, vous serez tenu informé de son évolution.
Thipee,
le 07 fév
2013 à 16h17
Bonjour
à mon ID c’est une copie flagrante pourquoi un juge, la juge irrecevable, c’est là dessus qu’il faut se pencher et maîtriser les textes ou ordonnances qui déboute le designer, qu’est ce qui aurait fait que la société soit elle même reconnu pénalement coupable de plagiat?…
roger,
le 21 mars
2013 à 16h21
Bonjour,
Nous avons eu des problémes similaires de copie. Aprés avoir perdu en appel, alors que nous pensions avoir prouvé la copie entre autres avec le dépôt INPI, nous avons étés déboutés et condamnés a payer les frais…
Aprés la stupeur, certains d’avoir étés floués, nous avons cherché un autre avocat qui nous conseille. Aprés avoir pas mal teléphoné et dérangé des connaissances, nous avons trouvé un avocat docteur en droit de la propriété intellectuelle, qui a repris tout le dossier de A a Z, et l’à représenté au Tribunal, sous un autre angle. L’affaire est en cours, mais déjà la partie adverse crée des incidents de procédure… ce qui pour nous est signe que notre dossier, revenu, gêne nos copieurs. Il ne faut pas se laisser faire.. si on en a les moyens.
vincent,
le 16 juin
2014 à 14h12
Ou en est cette affaire?D’après ce que je comprends, ils opposent au créateur le fait que le "dessin" de son lit, n’est pas suffisamment originale pour être protégeable. Est ce le cas?Cdt
,
le 28 juin
2015 à 14h01
@vincent
Les délais de justice sont long. Les conclusions de l’affaire sont publiés le 29 mais 2015 ici : Contrefaçon : le pourvoi en cassation de Thomas de Lussac (AFD) est rejeté