Construire un titre de designer
Le constat : une profession sans titre
Les étudiants diplômés sortent actuellement des écoles de design avec des dénominations variées et « Designer » n’est pas une appellation reconnue : la profession n’a ni titre ni ordre, ni code d’activité (en France, code APE) spécifique, et ce malgré des études supérieures en cours de certification au niveau I ou II (Bac + 4 ou Bac + 5).Les professions créatives sont mobiles, en évolution permanente. Mais aucun des jeunes professionnels qui sortent aujourd’hui des écoles enseignant le design ne peut se « désigner » et donc se reconnaître puisque « Designer » ne correspond à aucun métier, au sens administratif du terme.
Cette nouvelle profession qui a émergé dans le monde occidental sous cette appellation au siècle précédent constitue une population créative en prise sur notre environnement de vie. Elle a élaboré des méthodologies, des pédagogies, des réseaux, des milieux.
Le jeune designer d’aujourd’hui exerce essentiellement son métier comme consultant extérieur (indépendant ou en agence) ou comme designer intégré dans une entreprise. Il a comme objectif de concevoir (par sa définition, son étude, son dessin) les objets de notre environnement de vie (que ce soit le design graphique le design de produit ou d’espace), à renouveler ou à imaginer. Il nous apparaît donc opportun de révéler les liens de cette profession vivante et diversifiée.
L’opportunité
Depuis 2004, un groupe de travail « Design commence aujourd’hui1», en liaison avec les écoles de design et les ministères, réfléchit à l’intérêt d’un titre commun au monde du design qui permettrait aux jeunes d’avoir une appellation identifiée. Ceci engage l’élaboration d’un référentiel métier et d’un référentiel de compétences, assorti de déclinaisons par spécificités sectorielles et nationales.Cette réflexion s’entame à point nommé, à l’heure ou simultanément les écoles mettent en place les programmes nécessaires à l’élaboration de l’espace européen de l’enseignement supérieur (prévu pour 2010), et ont revisité leurs dossiers d’homologation pour répondre à la demande de la nouvelle Commission nationale de la certification professionnelle.
La qualité de la formation en design est primordiale dans les pays européens pour développer un environnement de vie meilleure, où création, qualité, innovation et recherche, président aux enseignements dispensés.
La qualité de la formation, la durée des études, le profil des sortants, sont également déterminants pour donner aux designers intervenants auprès d’entreprises et d’organisations, les niveaux d’interventions ou d’embauches, de prestations ou de salaires, et les perspectives d’évolution de carrière.
L’état des lieux
Quoi que diversifié, le niveau de formation des designers s’est sensiblement élevé sur ces trente dernières années : la majorité des écoles reconnues proposent généralement des cursus de cinq années près le bac, et tendent à être certifiées au niveau I.Néanmoins, la formation de niveau Bac + 2 ou 3 (Niveau BTS, DNAT, etc.) (homologué niveau III) est toujours importante et reste intéressante en permettant un accès rapide à un métier d’assistant. Elle renforce la nécessité de développer une formation continue éventuellement diplomante (VAE ou VAP).
Les niveaux d’embauche et de salaires sont en augmentation constante depuis quelques années dans le monde de l’entreprise. Mais il y a une très grande diversité et disparité entre les modes d’exercices de la profession.
L’international représente un marché de plus en plus important. D’où la pertinence d’une reconnaissance professionnelle compréhensible par l’ensemble des pays européens et extra-européens, mais aussi par le monde économique et politique dans son ensemble (industriels, collectivités).
Ces questions permettront aussi de réfléchir à l’avenir de nos professions au niveau national et européen et de répondre à des questions fondamentales : comment devient-on designer ? que font les diplômés ? combien sont-ils ? où vont-ils ? Les professionnels, les écoles, la commission de certification et les ministères sont les partenaires essentiels de ces travaux.
Un dossier Leonardo de « Référentiel design »
HistoriqueEn 2005, à l’issue d’une rencontre avec le Président de la CNCP (commission nationale de certification professionnelle), Georges Asseraf, s’est montré très intéressé par notre démarche et nous a vivement incité à monter un dossier Leonardo. En effet, pour la commission de certification, il est essentiel d’avoir une base décrivant un métier. La réflexion des professionnels sur les caractéristiques de leurs métiers permettrait d ‘évaluer les besoins en formation et leur qualité. Il existe de très nombreuses écoles de design demandant un niveau de certification I. ou II.
Le dossier a été porté par l’Alliance Française des designers, qui représente le collectif « Design commence aujourd’hui ». Le coordonnateur fut le CR2I, (Centre de ressources et d’initiatives pour l’international), association sous tutelle de l’éducation nationale, qui a l’habitude du pilotage de projets européens. Des partenaires européens ont déjà manifesté leur intérêt (Allemagne, Luxembourg, Autriche, Pologne, Belgique et Italie), notamment par le biais du BEDA, auquel adhère l’AFD. les pays partenaires, par l’intermédiaire de leur syndicat, joueront le rôle d’interface vis à vis de différentes professions et des différentes écoles de leur territoire. Les autres pays seront évidemment associés dès le démarrage de l’étude.
Le projet
Après pré-sélection, et accord de la Commission européenne, le dossier a été rendu en février 2006. Au final, ce projet n’a pas été retenu (20 projets retenus sur 84 sélectionnés) pour diverses raisons, dont principalement le fait que les fonds Leonardo étaient destinés aux projets portant sur des formations de type Bac +2/3 et que notre dossier portait sur une formation Bac +5.
Des objectifs qui restent d’actualité
Dans le cadre des objectifs européens de Lisbonne qui vise à faire de l’économie européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » le projet « référentiel design » permettait en définissant les éléments d’un référentiel métier et d’un référentiel des compétences de faire le point sur les niveaux de formations dispensées en Europe, les besoins de formation du secteur, les attentes des milieux économiques et culturels. Il avait comme objectif également d’améliorer la lisibilité de la profession et des formations qui y conduisent. La recherche aidant à construire un référentiel métier et un référentiel des compétences en liaison avec les trois ministères concernés (En France : Education Nationale, Culture, Industrie).
Le travail de certification fait par les écoles avec leurs ministères de tutelles représente une source d’informations clés pour l’établissement d’un référentiel de niveaux de compétences.
L’étude permettait aussi de répondre à la question initiale : l’intérêt d’un titre commun, national ou européen, à l’image de celui des ingénieurs par exemple, remis par les écoles aux jeunes futurs professionnels…
Suite. Des tables rondes ont été organisées incluant les organismes professionnels, les écoles et les ministères. Les remaniements politiques de 2007 n’ont fait que retarder jusqu’à présent les décisions, bien que les ministères aient promis de créer une plate-forme interministériel pour élargir la question.
Nous avons choisi pour 2008 de continuer à travailler sur le sujet en comité restreint et de revenir vers l’Etat avec des propositions concrètes.
Organisations professionnelles : Syndicat national des designers textiles (SNDT), Institut national du design packaging (INDP), Alliance française des designers (AFD), Conseil français des architectes d’intérieurs experts (CFAI), Jacqueline Febvre, directrice de l’Institut d’art visuel d’Orléans, doctorante, David Nitlich, Directeur Cent Degrés, Collectif des 500, Jean-Patrick Péché, designer, agence Design utility, directeur pédagogique de l’Ecole de design des pays de Loire.
Dossier suivi par Béatrice Gisclard-AFD, texte Jacqueline Febvre