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La propriété intellectuelle

PI et appels d’offres

« L’administration bénéficie des droits de représentation, de reproduction et d’adaptation sur la charte graphique sans limitation dans le temps, de lieu, d’étendue et de destination. Les prix s’entendent tous droits et achats d’art inclus. En tout état de cause, le titulaire de la charte prémunit la CCI du Mans et de la Sarthe contre toute revendication des tiers quant aux droits de propriété intellectuelle et lui en garantit l’exercice paisible. » Marché n°DG 016-2005 – Création d’une charte graphique CCAP, Chambre de Commerce et d’Industrie du Mans & de la Sarthe.

Cette clause est critiquable au vu du code de la propriété intellectuelle qui tient à ce que, en cas de cession, l’attention de l’auteur soit attirée sur l’étendue de la cession de droit, de telle sorte que la réalité de son consentement soit assurée. S’il est question de cession de droits d’auteur c’est uniquement de manière sous-entendue.

«  L’administration bénéficie des droits » et « les prix s’entendent tous droits […] inclus » est-il écrit : mais des droits appartenant à qui ? Les droits d’auteur naissent en la personne de l’auteur. Avant que l’administration en bénéficie encore faut-il qu’elle les acquière.

L’article L 131-3 dispose que le domaine d’exploitation des droits cédés doit être délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.
Notamment, une clause prévoyant que la cession est consentie pour la durée légale de protection des droits d’auteur, telle qu’elle est définie par le Code de la propriété intellectuelle, est valable puisque la durée a été précisée. La clause en question prévoyant que l’administration bénéficie des droits sans limitation dans le temps paraît contestable. Il en est de même pour les autres paramètres qui ne sont nullement définis positivement mais seulement négativement si je puis dire puisqu’il est question d’absence de limitation, ce qui ne me semble pas répondre aux vœux de la loi, d’autant plus, encore une fois, que la chose est vue du côté de l’administration qui bénéficie de droits mais non du côté de l’auteur, ce qui est en contradiction avec l’approche personnaliste du droit d’auteur français (et même européen). Le droit d’auteur, c’est la défense de l’œuvre et de son auteur, titulaire de prérogatives morales et patrimoniales. Il faudrait voir, s’il y avait lieu d’approfondir la question, tous les documents contractuels, d’autres pouvant être plus précis quant à la question de la cession des droits d’auteur.

Il est question du « titulaire » de la charte qui doit prémunir la CCI du Mans contre toute revendication de tiers. Je pense que le mot « titulaire » a été employé par erreur à la place « d’auteur » de la charte. L’erreur pourrait permettre de faire juger que cette dernière phrase doit être considérée comme non écrite.

Le tribunal administratif pourrait être compétent pour juger de la question de savoir si un auteur, ayant répondu à l’appel d’offre de l’administration, lui a cédé ses droits d’auteur. Mais le Tribunal éventuellement saisi de la question, qu’il s’agisse du Tribunal de Grande Instance ou du Tribunal Administratif, se doit d’ appliquer les dispositions du code de la propriété intellectuelle, lesquelles, en l’occurrence, tendent à dire que pareille cession est nulle.

Maître François Lesaffre, avocat spécialiste du droit d’auteur