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Designers, tirez-vous une balle dans le pied pour seulement 4,90 € !

Liste noire Appels d’offres-Concours-Crowdsourcing | 8 commentaires
Ils sont légion ces sites internet vendant logos ou cartes de visites à faire soi-même. Aujourd’hui, la petite famille du Do it Myself* s’agrandit et propose de réaliser, sans compétence particulière, un magazine ou un rapport d’activités à partir de modèles pré-établis… par des professionnels.
C’est en tout cas ce que voudrait le site www.madmagz.com qui sollicite des designers pour lui fournir des maquettes de magazines complètes, à des conditions hilarantes. Après la mal-bouffe, voici le mal-design. On n’arrête pas le progrès.


Une cession des droits simplifiée ? Vous en rêviez, magmadz l’a fait !

L’article 5.3 des conditions de vente montre que Madmagz est parfaitement informé des termes d’une cession de droits (durée, zone géographique, etc). Le site exige cependant des designers qu’ils renoncent purement et simplement à tous leurs droits sur leurs créations, et ce, gratuitement.
 
5.3 Licence d’utilisation des contenus fournis par les Graphistes et les Editeurs
Par les présentes, vous nous accordez un droit d’utilisation des éléments de contenu (Maquettes, Magazines, textes, photos, etc.) que vous pouvez être amené à mettre en ligne sur Madmagz. La présente licence d’utilisation de ces contenus est transférable, non-exclusive, gratuite (sauf stipulation contraire figurant aux présentes) et accordée sans limitation de durée ni de territoire. Vous nous accordez le droit de concéder des sous-licences d’utilisation, d’exploitation et de divulgation de ce contenu pour une exploitation sur tout media existant ou à venir. La présente licence d’utilisation restera en vigueur pendant toute la durée de protection des droits de propriété intellectuelle.

La création d’un magazine pour 30 minutes de SMIC ? N’hésitez plus !

Le site vous cédera la somme vertigineuse de 8,28 € pour une maquette complète de magazine et ses fichiers sources. Un vrai petit butin ! Vous comprendrez aisément que face à un tel pactole, le site puisse ponctionner 30 % (soit 2,48 €) de commission. Il vous restera ensuite à payer les charges sociales sur le montant de vos recettes. Si vous êtes indépendant cotisant à la Maison des Artistes, vous empocherez pour l’ensemble de votre travail (et seulement s’il est imprimé) la coquette somme de 4,90 €, soit 30 minutes de travail au SMIC. Une affaire !

Designers, visez juste ! Nous n’avons que deux pieds !

Ce site est un exemple parmi d’autres. Tous ont pourtant un point commun : prétendre qu’un objet de communication ne nécessite aucun travail de design, aucune réflexion ou analyse adaptée, aucune compétence ou savoir-faire spécifiques, et peut être cloné à l’infini, à partir de quelques modèles pré-établis. Prendre part à ce genre de supercherie, en tant que designer, c’est participer à la déconsidération de sa profession et, au-delà, des commanditaires et de leurs publics. Une machine à pain n’a jamais fait de quiconque un boulanger. De la même façon, un ordinateur fait-il de son utilisateur un designer ?



* Le Do It Myself (ou Do It Yourself 2.0) est né d’une union non-consentie entre le rebelle Fais-Le-Toi-Même des 70’s et le mégalomane C’est-Moi-Qui-L’ai-Fait de la fin des 90’s. Cette mouvance émet une méfiance systématique envers les métiers de création, les considérant tout au mieux comme des hobbies. Le mot d’ordre du Do It Myself est : "Moi aussi je peux le faire, ça n’a pas l’air si compliqué."

Commentaires

1. Par Youssef Rahoui, le 01 oct 2011 à 03h00
Youssef Rahoui

Bonjour,

Je suis le fondateur et dirigeant de Madmagz. Je vous remercie de vous intéresser à notre service et vous félicite de votre esprit ("Designers, visez juste ! Nous n’avons que deux pieds !"). Je voudrais cela dit revenir sur plusieurs points.

"Le site exige cependant des designers qu’ils renoncent purement et simplement à tous leurs droits sur leurs créations, et ce, gratuitement."

C’est doublement inexact. C’est un droit d’utilisation dont nous faisons condition et non de propriété. Cet accord n’est pas à titre gratuit puisqu’à chaque vente le graphiste est rémunéré.

"Le site vous cédera la somme vertigineuse de 8,28 € pour une maquette complète de magazine et ses fichiers sources"

Là encore, c’est doublement inexact. On vend 8,28€ HT l’utilisation UNIQUE d’une maquette. Si un "éditeur" souhaite utiliser 10 fois la maquette, il lui en coûtera 10 x 8,28€. Ensuite, en aucun cas on ne cède les fichiers sources, l’éditeur ne fait qu’éditer en ligne la maquette qu’il a achetée.

"vous empocherez pour l’ensemble de votre travail (et seulement s’il est imprimé) la coquette somme de 4,90 €, soit 30 minutes de travail au SMIC"
C’est inexact et trompeur. L’éditeur achète l’utilisation de la maquette AVANT de commencer son magazine. Le graphiste est rémunéré quel que soit le format de publication, et même du reste si l’éditeur ne crée pas de magazine.
Ensuite, il faut bien comprendre que ce n’est pas la création qui est vendue mais son utilisation. De là que la rémunération du graphiste est liée au succès de sa maquette.

"prétendre qu’un objet de communication ne nécessite aucun travail de design, aucune réflexion ou analyse adaptée, aucune compétence ou savoir-faire spécifiques, et peut être cloné à l’infini, à partir de quelques modèles pré-établis"

Je ne comprends pas ce qui vous fait dire cela. On pense et on fait le contraire. Pour vendre ses maquettes, il faut utiliser Photoshop (ou équivalent) et InDesign. L’import de la maquette par le graphiste se fait au format IDML : ce n’est pas à la portée du premier venu ! Côté éditeurs, notre discours est : on vous décharge de tout ce qui est métier en le confiant à des professionnels (maquette, impression, etc.) pour que vous n’ayez qu’à vous concentrer sur le contenu. De fait, on ne permet pas qu’ils changent les couleurs de la maquette ni même la mise en page : ils mettent leur contenu dans les zones définies par les graphistes, sans plus.

Je voudrais conclure sur la partie économique. C’est le modèle des marketplaces comme celles d’Apple, d’Amazon, de Facebook qui tous prennent 30% de commission.

D’autre part, un graphiste vend en général sa journée à 300€ HT. Il faut pour faire une maquette 3 à 5 jours (je ne parle pas de celles des Voici, Envy, etc. où cela se vend 50k€+). Cela signifie un travail entre 900€ et 1 500€. Pour "rembourser" son temps, un graphiste doit vendre sa maquette entre 155 fois et 260 fois environ (je divise par 5,80€, qui sont 70% de 8,28€). Nous enregistrons chaque semaine entre 500 et 1 000 nouveaux utilisateurs, et nous faisons que commencer. C’est tout à fait réalisable. Bien sûr, il y aura des maquettes qui se vendront beaucoup et d’autres pas du tout. Mais il faut aussi comprendre que dans ce modèle, cet investissement temps recueille des fruits indéfiniment, comme une rente.

PS :
Pour en savoir plus, la FAQ : http://studio.madmagz.com/fr/faq.

2. Par Hugo Roussel AFD Nancy, le 03 oct 2011 à 09h53
Hugo Roussel AFD Nancy

@Youssef Rahoui


Monsieur,


Il est tout à fait normal que chacun défende ses propres intérêts. Le rôle de l’AFD est de défendre ceux des designers. Ainsi, je me permettrai de répondre à votre commentaire. J’éviterai cependant, pour ma part, de mélanger ce qui concerne les "éditeurs" et les "designers", afin de rester dans le sujet qui nous concerne ici.

Les chiffres indiqués dans notre article utilisent ceux fournis par le site Madmagz. Mais plutôt que de nous baser sur la spéculation attrayante d’un nombre très incertain de ventes pour calculer d’hypothétiques gains, nous préférons rester pragmatiques et nous focaliser sur la base de ce que vous proposez aux designers. Il est cependant rassurant que vous trouviez vous-même ce tarif excessivement bas.

Nous nous devons de prendre en considération le caractère incertain des ventes. En effet, toujours selon les conditions énoncées par le site, le designer ne percevra aucune rémunération pour son travail tant qu’il n’aura pas été utilisé au moins 10 fois par les utilisateurs. Vous soulignez que c’est le succès de son travail qui permettra, ou non, au designer d’être payé. Or, ce n’est pas le succès d’un travail qu’il faut rémunérer, mais bien le travail lui-même.

De plus, le tarif proposé aux designers comprendrait, d’après votre commentaire, la création d’une maquette de magazine (soit, au minimum, une couverture type, une page de sommaire type, une double page "articles" type , une double page "news" type), la fourniture par le designer de ses fichiers source à Madmagz, et la cession par le designer à Madmagz des droits d’utilisation pour une durée illimitée et un usage international. Ce qui est tout simplement insuffisant. D’après nos calculs (via le <a href="http://www.calkulator.com">Calkulator</a>), certes moins romantiques que les vôtres mais certainement plus au fait de la réalité, un designer devra vendre une maquette environ 650 à 800 fois (et non 155 ou 260 fois) pour espérer atteindre une rémunération acceptable pour son travail et ce, hors cession de droit. Les 4,90 € de chaque vente supplémentaire ne représentent alors en rien une cession de droit sérieuse, sauf s’il vend sa maquette… 16000 fois de plus. Gâgeons alors qu’il ait effectivement du succès !

Il est également à noter que Madmagz propose une rémunération des designers via Paypal. Ce dernier peut, dans certains cas, s’octroyer une commission sur les ventes (voir "Conditions d’utilisation du service Paypal" sur leur site). Il est alors de notre devoir, en tant que syndicat, d’en informer les designers afin qu’ils puissent, s’ils souhaitent s’engager à vos côtés, le faire en toute connaissance de cause.

Enfin, rien ne semble être prévu pour permettre au designer d’exercer son droit de regard sur chaque utilisation de sa création. Il devrait pourtant être en mesure de contrôler chaque usage qu’il sera fait de sa maquette, pour pouvoir faire respecter son droit de propriété intellectuelle.


Pour conclure, au delà des conditions que vous proposez, notre article dénonce le concept même de site comme Madmagz, qui participe à une dévalorisation systématique de notre profession, des objets que nous créons, et des publics. Votre commentaire confirme ce triste constat. Vous comprendrez aisément que nous ne pouvions ni cautionner ni taire cela.

3. Par Youssef Rahoui, le 04 oct 2011 à 04h26
Youssef Rahoui

@ Hugo Roussel

Bonjour,

Je n’ai pas l’intention d’épiloguer, d’autant que si cela avait été le cas, votre conclusion y couperait court. Je ne la comprends pas mais je la respecte.

Avant même de défendre mes intérêts, mon but est que le service soit peint exactement, à charge pour chacun ensuite de juger.

Sur le modèle économique, nous sommes divergents. Je souligne cependant que toute vente entraîne rémunération. C’est le paiement qui est décalé. La raison en est, ce qui touche le point sur PayPal, que nous assumons les frais de paiement. Les montants avancés sur le site en sont nets.

Le graphiste ne nous cède pas ses droits : il nous accorde une licence d’exploitation.

Je n’ai pas accès à Calkulator, je ne peux pas analyser votre calcul, mais chacun jugera si le TJM et le prix total d’une création que je donne sont dans le marché.

Quant à l’usage problématique qui pourrait être fait d’une maquette, cf. l’article des Conditions légales éditeurs (c’est lié, vous le voyez) : http://madmagz.com/fr/cuv#article-7. En gros, l’éditeur est responsable et s’expose juridiquement. Je doute par ailleurs que les graphistes souhaitent modérer chaque vente. Il importent surtout qu’ils puissent attaquer au besoin.

En vous remerciant encore de votre article.

Youssef Rahoui

PS :
Pour plus d’informations :
– Conditions légales de Madmagz Studio : http://studio.madmagz.com/fr/cuv
– FAQ Madmagz Studio : http://studio.madmagz.com/fr/faq
– Condition légales Madmagz : http://madmagz.com/fr/cuv
– Studio AT madmagz POINT com.


4. Par Hugo Roussel AFD Nancy, le 04 oct 2011 à 18h00
Hugo Roussel AFD Nancy

@Youssef Rahoui

Bonjour,

Je ne reviendrai pas sur les points que vous abordez à nouveau, puisque nous les avons déjà commentés plus haut. Cependant, je vous rejoindrai sur une chose : il appartient désormais à chacun de se forger sa propre opinion.

Bonne journée.

5. Par Designer_senior, le 31 août 2012 à 11h51
Designer_senior

Votre débat est fort agrumenté et intéressant.
Mais je crois que le principal problème de ce système est le suivant : Le travail d’un créatif est de proposer une mise en page, une création qui soit la plus adaptée à la demande du client. C’est la première chose que l’on apprend à l’école : si le projet fonctionne pour n’importe quelle marque, c’est un mauvais projet. Vous demandez donc aux graphistes de créer de mauvais projets, sans identité, et vous proposez du coup aussi à vos clients ces mauvais projets, inadaptés à leur activité, à moins d’un chance inouïe. Mais la chance ne devrait pas faire partie d’un projet de communication, à mon humble avis.

6. Par Youssef Rahoui, le 04 oct 2012 à 21h01
Youssef Rahoui

@Designer_senior

Bonsoir,

Merci de votre retour. Au fond, je ne suis pas totalement en désaccord avec vous : l’idéal du point de vue de la création est un travail sur mesure et exclusif.

Toutefois, nos clients troquent cet avantage contre le confort, la rapidité et léconomie. Plus généralement, je crois que c’est la différence entre le sur-mesure et le prêt-à-porter.

7. Par neo, le 16 oct 2012 à 10h49
neo

bjr,

Au delà des aspects techniques et économiques…le service proposé par cette société répond parfaitement à un besoin, n’en déplaise à certain ou à la majorité.

En faite, tout dépend de la valeur, qui n’est pas seulement économique, determinée par l’acheteur sur l’objet ou service.

Le nbre d’heures de travail et la qualité du travail ne faisant pas parti de l’équation initiale pour certaine catégorie d’acheteur.
Ces derniers ont un comportement tout à fait logique par rapport à leur situation du moment.

L’arbitrage de départ (pour le client) étant tjrs autour du couple Tps passé/Cout/Espérance de gain.

On ne rémunére pas un travail (un nbre d’heure * un tx horaire) mais une prestation dont la valeur est determinée par le client et/ou par le marché.
La question est quelle est la valeur de marché (à un instant T) de mon service ou produit. Plus ns sommes nombreux à proposé le même service plus la valeur baisse, le service se banalise.

La connaissance et la maîtrise de cette valeur par le graphiste assure un optimum de gain.

Neo, Designer Industriel.






8. Par Paul Soldermann, le 17 juil 2013 à 18h15
Paul Soldermann

On entre dans l’ère du low-cost, low-quality, low self-esteem, low-life pour le profit de ceux qui peuvent pomper les autres sans réelle contrepartie financière, voilà le monde de demain si on laisse filer tout ça. Je trouve totalement énorme que le sieur Rahoui se permette de venir ici faire une tentative de justification, dont la démonstration peine, en ce qui me concerne, à convaincre de son intégrité. Le but c’est de faire du fric avec un site lambda, orienté graphisme print, faut bien pomper quelque part et comme c’est un secteur encore non exploité, allons-y gaiement, peu importe si ça casse la gueule à l’image du graphiste et sa qualité professionnelle.
Perso, je dis STOP, STOP, STOP. Arrêtons cela pendant qu’il est temps, pour l’avenir de nos belles professions.

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