La propriété intellectuelle
Des devis et de la cession de vos droits d’auteur
Il arrive qu’une œuvre, que vous avez réalisée il y a plusieurs mois, ait été utilisée au-delà de ce que vous avez convenu avec votre client. C’est alors, en se penchant sur les documents contractuels qui ont été échangés, que l’on prend conscience de l’importance de ceux-ci.Il convient au moment où il est fait appel à vous que soit précisée l’utilisation convenue. Par exemple :
- dessin destiné à apparaître sur un catalogue tiré à … exemplaires devant être diffusé pendant une année,
- charte graphique de votre guide tiré à … exemplaires et diffusé en France…
Vous pourrez alors porter sur votre devis la mention « ce prix inclus les droits de reproduction correspondant à l’utilisation ci-dessus rappelée ».
Il est à souligner que, le contrat se formant au moment de la commande et de son acceptation, il peut être insuffisant de faire apparaître de telles mentions sur votre facture tout au moins si celles-ci sont contredites par celles apparaissant sur le bon de commande.
Avec de telles mentions, il apparaîtra sans ambiguïté qu’une cession de droits d’auteur est bien intervenue, que cependant elle est limitée à l’utilisation spécialement convenue.
Pourquoi ces précautions ? Parce que les tribunaux pourraient être amenés à estimer que l’annonceur n’a contracté que pour acquérir le droit de reproduire l’œuvre de commande et, par suite, en l’absence de toute clause relative aux droits d’auteur, à juger que les droits de l’auteur ont été implicitement cédés, au moins pour partie, le prix de réalisation incluant le prix de cession des droits d’auteur.
Une telle situation, très défavorable à l’auteur, ne peut se rencontrer si l’utilisation convenue au moment de la commande a été précisée sur le devis ou le bon de commande.
En effet, les tribunaux, compte tenu du principe d’interprétation restrictive des cessions de droits d’auteur, seraient alors amenés à dire que la cession intervenue est limitée à l’utilisation précisée.
Pour reprendre les exemples cités ci-dessus :
Si l’autorisation de reproduire le dessin est donnée pour un catalogue bien précis, elle est interdite pour toute autre utilisation, notamment, elle n’inclut pas l’autorisation de reproduire votre dessin sur Internet,
Si le tirage du catalogue a été limité, il est interdit de le tirer à un plus grand nombre d’exemplaires,
Si la diffusion du catalogue a été limitée à un an, toute diffusion au-delà est illicite,
Si l’autorisation d’exploitation est donnée pour l’édition papier d’une brochure, d’un catalogue… elle n’est pas donnée pour une édition électronique…
Ainsi le tribunal de grande instance de Paris, dans une affaire opposant un annonceur et son agence de publicité à un illustrateur qui se plaignait de l’utilisation de son œuvre au-delà de la période convenue, a jugé, le 22 novembre 2002, que :
« Attendu que le bon de commande, en référence, ne fait manifestement état que du salon 1994 et aucunement des salons postérieurs. »
« Attendu que la mention "tous droits attachés, sans limitation de durée" est dénuée de portée, d’une part, parce qu’elle est contradictoire avec la référence faite au seul salon de 1994, d’autre part, en raison de l’imprécision et de la généralité de ses termes, contraires aux dispositions de l’article L131-1 du code de la propriété intellectuelle, lequel prévoit en effet que "la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée". »
« Attendu qu’il suit que les défenderesses ne justifient pas d’une cession des droits d’exploitation consentie par l’auteur pour les salons tenus postérieurement à l’année 1994. » « Attendu qu’au regard de l’importance de la communication réalisée pour les salons successifs, il convient de condamner la société X à verser à Madame Y la somme de 18.000 € pour les atteintes portées à ses droits patrimoniaux. »
Une telle décision, confirmée ultérieurement en appel, n’a été rendue possible que grâce à la mention limitative figurant en l’occurrence sur le bon de commande. Il ne faut, par conséquent, pas manquer d’y porter attention.
Maître François Lesaffre, avocat spécialiste du droit d’auteur